J’ai passé la plus grande partie de ces 3 derniers jours au symposium de l’ebs, l’un des plus grands congrès économiques allemands. Le thème de cette année était "Europe and the world – A call for leadership", sous le patronage du CEO d’Airbus, Thomas Enders.
Mais l’intervention que j’attendais vraiment, et particulièrement vu les conditions économiques particulièrement incertaines de ces dernières semaines, était celle de Jean-Claude Trichet, président de la BCE. Tout naturellement, je me réjouissais de connaître son interprétation des évènements qui ont fait l’actualité économique de ces derniers jours, à savoir la faillite de Lehmann Brothers, la nationalisation d’AIG, le rachat de Merill Lynch par Bank of America et les spéculations autour du deal Morgan Stanley / Wachovia. Pour ceux qui auraient besoin d'une piqûre de rappel, ça se passe là ou encore là.
Mais contrairement à mes attentes, la présentation de M. Trichet était principalement axée sur l’historique de la BCE depuis la création de l’Euro, en insistant sur deux facteurs qui lui semblaient fondamentaux, à savoir la stabilité économique par le contrôle de l’inflation autour des 2 pourcents, et la création d’une véritable crédibilité monétaire vis-à-vis de la monnaie unique. Il ressort également de la présentation que la création de l’Euro correspond finalement plus à une synthèse des bonnes pratiques monétaires de l’époque qu’à une pure création originale. De ce fait, comme l’explique M. Trichet, bien que la plupart des acteurs financiers aient exprimés certaines réticences face à ce projet, son avenir lui semblait ne pouvoir être que prometteur.
Au final, lors de la séance de questions ouvertes (après que les questions de presse aient été explicitement refusées), la première question posée concernait explicitement la crise financière actuelle. Et la réponse de Jean-Claude Trichet a probablement été, avec le recul, un modèle de communication. Au lieu d’adresser directement ce problème, il s’est contenté de répéter que la BCE avait depuis 1 an et demi maintenant prévu des perturbations financières liées aux subprimes, et que par la même occasion, avait réaffirmé la légitimité de sa politique monétaire rigoureuse. Puis, dans un second temps, il a déclaré ne vouloir ajouter aucun commentaire concernant les évènements récents.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, où du moins que cela a pu me paraitre au début, cette absence de réponse était en soit la meilleure attitude à avoir. Car au final, dans la salle de conférence étaient représentés l’ensemble des quotidiens économiques allemands, ainsi que des représentants de la quasi-totalité des banques d’investissement européennes.
Imaginez maintenant un instant que Jean-Claude Trichet, aux alentours de 15h30 heure de Frankfurt, annonce qu’à son avis (de président de la BCE), la crise ne fait que commencer et que Goldman Sachs sera la prochaine à tomber ; ou que les grands groupes immobiliers sont en danger imminent ; ou tout autre annonce similaire. Les marchés américains réagiraient quasi-instantanément à une telle annonce, bouleversant ainsi un marché déjà fragilisé. Cette réaction, amplifiée par les 2 jours de week-end, aurait des répercutions immédiates sur l’ensemble des marchés mondiaux à l’ouverture le lundi matin, avec des conséquences forcément catastrophiques.
C’est par l’absence de volonté d’influencer les marchés que l’on reconnait le style de Jean-Claude Trichet en tant que gouverneur de la BCE, style qui a conduit à la situation actuelle de l’Euro. Et lui-même de rappeler que la BCE a été la première banque centrale à instaurer une conférence de presse à la suite de toute annonce de décision concernant sa politique.